ENJOY
Allez y faites tourner le magnéto !!!
Est ce que lorsque vous écrivez, vous, vous vous nommez ?
"Moi aujourd’hui Machin, j’écris, en l’an …"
Est ce que vous scandez sans cesse, à tour de mots, la date de votre naissance comme un code, un mot de passe d'accès dans la mégalomanie de l'histoire de vous, que vous romancez ?
Avez vu noté dans les lignes de certains écrivains, critiques ou réalisateurs : moi Wim W. explorant la crête des ailes des anges ?
Moi Barbey Nov Goethe chevauchant les reins du Roi Des Aulnes ?
Pas souvent.
Parce que tremble ici, avec cet auteur, la crainte forcenée d’une perte d’identité. Une quête allant jusqu’au parjure, aux extrêmes confins d’une ambition, d’un appel de reconnaissance non controlé.
Nous sommes loin de la sérénité.
Et ça transpire, ça transpire dans ce pas de l’oie ré-imité, ces cris vociférés, cet appel des mains qui tentent de griffer l’espace alentours.
La désarticulation de l’être qui se veut totale démesure et qui nous contamine, faute de nous séduire.
« Explosante fixe » dirait Breton mais pour quoi ? Pour où ?
C’est ainsi que je me suis sentie. Sans cesse sollicitée, depuis le premier réveil et durant toute la journée, à disposition sans cesse de la succion d’un être qui ne se suffisait pas à lui même, cherchant dans les substances qu’il avait choisies (éther, alcool, amphétamines) le transport de ce qui ne voulait pas lui être donnée : la reconnaissance… et in fine, l’éternité.
Morcelée.
Dans ces formes de maltraitance que dénoncent les femmes et qui affluent aujourd’hui, ces revendications qui montent, se disent et se dénoncent, il me semble important non pas de décrire, de pointer du doigt les personnes qui en sont les auteurs, mais de se poser la question de savoir ce qui en nous, qu’est ce qui en nous, a acquiescé ? Qu’est ce qui en nous, a accepté ces morsures, cette dépossession de nos désirs et de nos aspirations, jusqu’à finir broyées et soumises aux injonctions de l’autre.
Une nature animale inconsciente souterraine, qui n’est pas simplement identifiable au milieu, à l’éducation que nous avons reçue, délimitée aux conditions « dominant dominé » des figures qui nous ont formées.
Mais à quelque chose de plus souterrain, de plus enfouie, une créature abyssale, aux confins des formes de l’être qui impulse le vouloir de notre destin féminin, ce destin qui n’est autre que celui de donner la vie à tout prix, et quelqu’en soi la forme.
Nous sommes la ligne de continuité.
Et cette ligne, nous la tenons coûte que coûte, malgré les ressacs qui nous brisent, nous décapitent, nous morcellent, nous explosent à l’identité.
Nous nous reconstituons puissantes, sur la ligne de l’individuation de la régénérescence, parce qu’en nous, est le destin de l’humanité.
Nous ne sommes pas l’obsolescence programmée.
Mais le cri sauvage de nos ventres qui triomphent, le cri de nos couches qui de tout temps, a enfanté.
Et lorsque nous tombons, échouées, c’est cette force tellurique tonnant du son sourd des lointains mammifères indomptés, qui vient nous souffler de continuer de vivre et de combattre.
C’est le mystère de Jonas, de la colère divine qui le précipite au ventre d'un grand poisson.
Il nous restera le trauma, comme le secret de la blessure de Siegfried qui vient, qui saigne quand sur la route une rencontre, mauvaise, fait que la blessure se remet à vivre, à suppurer.
Mais nous guérissons de la répétition.
Ce sont ces matins de grands découragements qui nous font lever le pied sur une pente qu’il nous faut réapprendre à gagner.
Sisyphe !
Alors quoi faire ? Les remercier nos bourreaux ? Ou les faire chuter de leurs certitudes gonflées de pouvoir. Ce que certaines actuellement définissent et réduisent au terme de "patriarcat" ?
Ici, en l’occurence, en ce qui concerne l’auteur que je vise et qui fut donc l’aliénateur de ma jeunesse, nous sommes en présence d’un mini pouvoir, car malgré plusieurs décennies d’agitation, (nous en sommes à son chiffre 7), personne ne le connait et ici, je participe quelque part, à en parler.
Les mots palpitent et cherchent le sens, comme la mine de graphite griffonne perturbe le papier Canson, afin de définir une forme, à petits coups de traits, la pointe hachure détermine la forme.
Et elle vient.
Ces formes qui nous libèrent pour, loin des scarifications, donner chair aux voeux de ceux qui nous portent à guérir, avec pour seule et première injonction, stopper la contamination.
Insidieuse elle fût. Une emprise en morsures de chaque instant, une emprise à l’esprit et à l’âme, une perte de souffle. L’ air se raréfiait car il puisait jusqu’au manque d’air de mes poumons.
Et durant de longues années, la créature que je fus est restée objet de rejet, exsangue, vidée de vie.
Ensuite, la juger, la condamner pour seulement avoir demandé le pouvoir de respirer ?
Le ciel en appui, vous capte s’ouvre qu’à l’inspir. Autre chose est possible. Du fond des abimes où se logent toutes ces forces non identifiables, sauvages, loin de l’entendement de nos intelligences, loin du sens du dire, loin, comme une forme magmatique venue du centre de la terre, du fond des galaxies, un chant s’élève.
Un cri.
Pour brise l’empreinte. Il délivre et propulse sur le grand mouvement du temps qui devient votre, ce moment d’incarnation si bref sur l’infini du monde : celui de votre incarnation.
Ici maintenant.
Libre.
En joie.
Reprendre la vie que l’on a voulu vous dérober.
La joie.
BORRADA. Texte en cours.
Illustration : GLB par Zabo Nora, Paris, année de sortie de Morituri.
Hour of the Wolf, 1968. Ingmar Bergman.
L'esbroufe 56.
Trois auteurs donc ont contribué à ma reconstruction : Deleuze pour le cinéma, sous les conseils de Jean Greisch, et surtout Ludwig Wittgenstein et Charles Sender Pierce pour la logique du langage.
D’ailleurs, pour reprendre, ici, les théories de Charles Sender Pierce sur le « locutoire, l’illocutoire et le perlocutoire, » qui me semblent essentielles dans la question du sens, nous avons une réponse, qui nous confirme, ici, que FJ n’est nullement un « ovni », mais un esprit qui surfe sur les tendances qu’il s’approprie.
Car comment au sein d’un film, poser les termes qu’il pose sans les relier au registre auxquels ces mots appartiennent ?
Par exemple, tiens ! Un exemple. Il s’est approprié et s’en revendique pour « Docteur Chance », la présence de Joe Strummer.
Je savais qu’avant cela, FJ s’était déplacé à Londres pour proposer le rôle à Nick Cave qui l’a congédié. Ce dernier avait peut-être flairé le truc.
Donc il caste ensuite Joe Strummer, charismatique chanteur des Clash. Ce dernier accepte. Là, nous entrons dans un "perlocutoire" : FJ installe l’immense figure du rock le plus militant des années punks dans la trame de cette quête poursuite : « Docteur Chance ». Après l’avoir fait s’incliner et céder le passage à une pseudo comédienne qui n’est aucune figure représentative du cinéma français, il lui fait dire, et là, nous sommes dans "le locutoire" un texte incompréhensible. Du FJ, en français. Ce n’est pas la langue d’origine de Strummer et les mots cognent. II est hésitant, c’est très désagréable, on ne comprend pas. En anglais, « Joe London Calling » aurait cramé et de loin, la pauvre phrase incompréhensible qu’il récite. Et où survient "l’illocutoire", simplement dans le fait que FJ impose ses mots, sa soi-disant "poésie" dans la bouche du plus grand vociférateur de mots de l’histoire du rock. « The ice age is coming, the sun is zooming in Engines stop running and the wheat is growing thin A nuclear error, but I have no fear Cause London is drowning - I, I live by the river ».
L’esbroufe !
N’ayant jamais eu le pouvoir des Clash, ce pauvre chanteur français qui arrive bien loin dans le classement des groupes de ces années-là, nous devient aujourd’hui, dans sa dernière interview, « bruitiste ».
Là, y a personne. Il peut occuper le terrain.
Et Joe est mort.
« My Daddy was a bank robber
But he never hurt nobody
He just loved to live that way
And he loved
Never loved a shovel
Break »
Borrada. "Celle qui doit mourir".
©Lcv
Lire l'image, et comment FJO s'impose bras grands ouverts devant Joe Strummer.
Borrada. Celle qui doit mourir (extrait)
Pouvez-vous nous parler de la création du groupe MKB Fraction Provisoire sur Toulouse ?
Ce n’est pas un groupe qui a fracassé les classements des charts !
Rock n’ folk, Best… refusaient de nous accorder un simple filet ! Bien d’autres !
Alors l’histoire ?
Les Pistols, en premier !
C’est en re-parcourant l'ouvrage de Greil Marcus " Lipstick Traces", réédité aux Editions Allia, en 2018, que j'ai pu me reconnecter à l'émotion que représenta la sortie de l'album des Sex Pistols "Anarchy in the U.K" .
Je me permets de citer quelques mots du prologue :
"Quand je réécoute le disque aujourd'hui, quand je réécoute cette façon qu'a Johnny Rotten de déchiqueter ses phrases et d'en jeter les mots à la face du monde ; quand je me rappelle le sourire vorace qu'il arborait en chantant – j'en ai froid dans le dos ; pour tout dire, j'ai même un mouvement de recul, au moment où mon front commence à perler. Le guitariste des Who, Pete Townshend, déclara un jour : "Ce qui frappe immédiatement, quand vous écoutez les Sex Pistols, "Anarchy in the U.K", "Bodies" ou des titres comme ça, c'est que ça se passe pour de vrai."
Dès la première écoute, sur notre petit tourne disque, ( FJ refusait et refusera longtemps, le son des platines et laser,) ce fût le choc !
J'écoutais le disque en boucle, fascinée. Dans l'enthousiasme, je lui confiais que quelque chose allait changer.
Par la suite, il m'a avoué , et je me le suis mal expliqué, que c'était cette réflexion qui l'avait amené à vouloir monter un groupe.
Le premier fût constitué avec le fils du professeur de musique d’Aurillac, J., son frère et des amis. FJ fît le choix de DDP, « De la Destruction Pure ! » Toujours cette influence souterraine !
Comme il bénéficiait du soutien du monde littéraire de Paris, il réussit à créer un événement, hors du commun.
Mais chaque concert de ce groupe se terminait toujours mal.
Ce furent des mois, où il s'absentait, pour partir sur la route avec J., en quête de dates de concert.
Une autre mauvais influence à laquelle, je ne pouvais le soustraire. De nombreux concerts finissaient en rixes et bagarres, et ces membres-là se défilaient et n'intervenaient pas. Je me retrouvais seule à le défendre. Un soir, après un concert, nous nous sommes retrouvés, seuls à pied, en pleine nuit, sur une route de campagne, à nous jeter dans le fossé, à peine une voiture passait. Des gars qui n’avaient pas apprécié qu’il leur crache dessus, et qui nous poursuivaient.
Il avait trop intégré les pratiques de Londres, pour une bourgade du Cantal.
Une autre fois, à Auch, fin de concert, une autre rixe éclate. Dans le désordre de cette minuscule galerie, le batteur a réussi à démonter et sortir sa batterie, en un temps record ! On ne l’a plus jamais revu !
Quelquefois, mes frères m’accompagnaient, vite découragés par tant de risques. On passait toute la journée du lendemain, à écouter en boucle des enregistrements médiocres sur cassettes.
Les premières fois, je restais longtemps abasourdie, dans mon coin, rêvant à ces groupies qui se tapaient les Stones, en fin de concert. Lorsque j’avais regardé FJ sur scène, dans mon fantasme, je me disais que par la suite, quelque chose de rare allait m’arriver ! On est naïf ! J’étais naïve, car première nuit, après premier concert, dans la chambre d’hôtel, il s’est effondré ! Et ce qui m’attendait : écouter, rembobiner, analyser les cassettes !
Le groupe fit un concert au Golf Drouot. Du monde. Beaucoup de personnes issues du cercle littéraire. S'inscrire entre l'écriture et le rock. Un geste. Une performance. Mais la prestation n'avait pas convaincu le directeur Henri Leproux, qui demanda à FJ d'opter pour un nom plus simple. «Téléphone » fût cité comme exemple. Ha ! Ha !
Les mois suivants, suite aux mésententes courantes de DDP, est venue l'idée d'un autre groupe.
FJ commença à recruter, à chercher autour de nous.
Les premiers membres qui nous ont rejoints furent Jack Lasry guitariste, qui prit le pseudonyme de "Jack Belsen" et Michel Bonnet, batteur, qui prit le surnom de " Nasti".
Etudiante, je servais de modèle photos à l'époque, et j'avais prêté mon image, pour le visuel marketing d'une nouvelle enseigne de coiffure. Le patron m'offrit un petit boulot d'hôtesse, que je quittais très vite, dès que je finis de payer mon synthé. Grâce à ce premier salaire, j’intégrais le groupe.
Ce que beaucoup ne savent pas, et qui surprend toujours, quand je le raconte, c’est que c’était en partie, pour surveiller depuis la scène, ceux avec qui FJ aller chercher à se fritter.
Synthé-Vigile.
Madone électronique.
Photo Zabo Nora.
L'AMANT DES SAINTS PERES. Pour celui qui porte le nom d'une rose au parfum ganté de cuir.
Pour celui qui porte le nom d'une rose au parfum ganté de cuir.
Il est une fleur noire qui s'agite au cœur du jardin du Luxembourg
Une fleur noire comme une voilure que le vent soulève et garde en secret
Depuis la cimes des arbres, les feuilles d'or recueillent le soupir
Le soupir d'un instant ancré dans le sable fouillant du Luxembourg
Quelques heures plus tôt mes pas foulaient l'autre arène, celle du Palais Royal
En parcourant les colonnades, le couloir désert de la galerie des parfums, vos mots s'accrochaient aux rainures de pierre que le temps a marquées
Ouvrez vos cuisses laissez ma langue
Ouvrez vos cuisses
Laissez
Une mouillure agitait mon ventre me propulsait
D'une colonne l'autre
Je glissais mes doigts
Vos mots toujours
Me projetaient
D'une colonne l'autre
d'une colonne dure où je me fracassais
Mes seins tendus tentaient de fendre la pierre
De la marquer
Le manque
Le manque de votre peau
Visiter
Mes pas s'agitaient
Et vos mots continuaient
Ma main à vos cheveux, je vous cambre et vous vous offrez
Mes reins gagnaient la fontaine du jardin royal
Mes reins fuyaient l'étreinte rapace attendue de vos reins
Mais je le sentais
Il était là
Comme un sceptre royal à portée de mes hanches à
portée de mon ventre car pour mieux l'étreindre
je me retournais
Sur les eaux du bassin du royal palais
Les ailes d'un oiseau agitaient la surface
S'asseoir, s'empaler, chercher sur la froidure d'un siège abandonné, la chaleur de vos cuisses qu'à mon tour ma langue convoitait
Ecarter à mon tour, pénétrer à mon tour, vous cambrer à mon tour, vous rêver offert
Un goût de framboise écrasée sur mes lèvres m'arrachait un soupir
J'appelais le ciel
Il était morose, et gris
Tout était calme
les lieux désertés
Tout était calme
Les lieux sans saveurs, sans odeurs,
sans la frémissante ligne agitée de vous
que ma bouche recherchait
L'oiseau sur le bassin de son ombre a laissé l’empreinte
Le même que l'éventail fragile que j'ouvre entre vos cuisses
Doux, tendre, qui palpite
L'oiseau sur la bassin ancre le frémissement
De vous
dire
De son ombre, il a planté son bec
ma langue en pliure déposait en touches d'agrumes ce qui se cachait là
Entre vos cuisses ouvertes
Mes pas s'agitaient
Me lever continuer la course
Mes pas soulèvent la poussière des sentiers perdus de la cour des dentellières
Je passe le pas
J'approche de la galerie des bibliothèques.
Il ne vous est pas interdit d’aller
vos doigts
C’est un joli jeu, ce déchiffrement
Une rose en éclos
Mêchée d’épices
En lancé de pétales lipstick menthe
C’est l’instant où ma bouche goûte à la lisière de votre peau
Et votre regard l’accepte
Une brûlure délicieuse réveille en ce lieu
L’engin floral infernal
Qui n’appartient qu’à vous
Vous me donnez l’envie.
C’est le but
Donc à vous de jouer
Sur fond grésillant de résine
Que la giclée soit
Belle, transcendante et forte
J’erre en gouttes sang
En gardant au secret cette envie
Votre langue à la pointe de mon sein,
Rubis brut à
faire jaillir un cri
Celui de votre ardente beauté
Mes lèvres gonflées, brûlantes en sensation furtive .
Votre souffle dans mes cheveux, au creux des bras
Merveilleuse de vous en moi
Dans les eaux étranges où mon cri au ventre se perd
Complice d’un instant de vous.
Je garderai ce moment
En chaleur animale de baume cacao
Décharge en peau pour vous rejoindre
Pyrotechnie de mon membre
Vous dîtes
J’y dépose un baiser, le déguste des lèvres
J’y souffle en secret
J’écarte avec délice
l’amer résine d’un parfum inconnu
L’agite jusqu’à ce cri d’amour à venir vous cambrer
Arôme d’amande au mortel cyanure
Je laisse faire vos doigts en bouche
Glisser en lisière de mon sexe
au travers de l’étoffe en dentellière pressée
Parcourir ma toison, en écarter les lèvres, pour agiter l’humidité qui se répand.
Nos sang gonflent, se dilatent
Caprices, implorent jusqu’à ces gouttes cristallines de nos chairs ardentes, au frottement rapide de nos peaux
Je m’accroche à vous en morsures, vous veux, vous appelle,
tandis qu’en s’ouvrant ma chair gicle s’irritant de vos caresses
Votre souffle se brouille, halète en appel de nos langues
L’haleine tendre de vos dents
Je me dresse, empare de vos reins, cherche votre sexe
S’accrocher, se garder, se ne plus quitter
Sentir nos plaintes de noyés s’emparer de nos gorges
Fermer les yeux, hoqueter, perdre souffle
Jusqu’au broiement d’une déferlante enfouie au secret de nos chairs
Nos nuits violentes nous emportent d’une marée de sanglots.
Et c’est en larmes et d’une faim ardente que je vous étreins !
Mon ventre, le votre !
D’envie qui nous gonfle une voile !
Je m’effondre rassasiée, mouillée, haletante, assommée des radiances de vous
L’amande pointe son ogive sur votre souffle narcotique
Miel et dragée
Et vous adoreriez
Que je vous lave lentement
Comme l’épine d’un rasoir
A l’étreinte vous m’inspirez
Une robe irradiée
Aux amazones épaulettes
Accords de noisette en pin mouillé
Me taire et glisser ma langue dans ce bel agent perturbateur
A l’odeur rare
Narcisse aux tonalités de foin
Il scintille l’éventail en vos cuisses
Comme une myrrhe
À facette musquée
Vous avez besoin de ma force
Liquides imaginaires
Qui capturent nos états d’âme
Les exaltent
Moi vers vous
En chute de narcisses
Sur fond boisé
Je sillonne la galeries des parfums
Mes rétines s’impriment des rayons gama
Que je ne peux puiser dans vos yeux
Ma plainte coule entre mes cuisses
Ma plainte
Comme l’épine d’un rasoir
Une brûlure intense, un jet destiné à vous attirer
Une force
Fulgurante, rare
A l’étreinte vous m’inspirez ces mots
Respirer, prendre l’air, sortir
J’adorerais laver
Ma bouche passant
Chaque pas de mes petits pieds est un coup de langue vers vous
Une caresse intrépide
Je vais vers la Sorbonne aujourd’hui
Posez juste un baiser au creux
Boire
Ma langue attisant
Je vous quitte en baisers
Qu’il est beau le sentier
J’aime que vous vous promeniez toute mouillée
Je vous offrirais tout de mon corps
Sourire
Je le couvrirais de l’ardeur de mes caresses
En dévotion
Vos cuisses
Vos chevilles
Vos hanches en nombril
Je vous souhaite un Paris merveilleux, aujourd’hui
Je vous jette des milliers de pétales en caresses
C’est la première foi que je fais ça
Jouissez en ma bouche
Ma langue attisant la votre
Je vous quitte en baiser
Vous offrant en fond de ciel
Le déchirement de ce manège
pour vous
Et je plonge, je plonge en ronde folle dans vos bras
J’adorerais avoir votre culotte
Vous la retirer
Vous promener les fesses à l’air
Nue sous vos vêtements
Vous savez comment me faire
Tout de suite
Ponctuez vos balades de vos écrits
J’aime que mon sexe me fasse mal à chaque fois
L’envie de vous pénétrer
Tellement gonflé
Vous
Moi je cherche la cambrure de vos fesses
Leur intérieur secret
Votre nuque
La lisière de vos cheveux
Votre torse
Votre ventre magique
Et le sceptre merveilleux de votre sexe couvert d’or
Ce sont les marches que je dévale pour entrer dans le gouffre secret de Paris
Les marches qui m’éloignent de vous
Coupent le temps
Le déchirent du manque
Une entaille ouverte au creux de mon ventre
Que je réprime de la pression de ma main
Aller à votre rencontre
Aller vers vous
Aller
Me jeter de toutes mes forces
Crever le temps l’espace
Pour vous
Je viens tout de suite
Sur vous
Je vous pénètre profondément
D’un coup
Vous criez
Je vous tiens fort
Vous m’appartenez
En même temps, mon doigt
Mon sexe touche au fond de votre cul
Le fruit
Mon corps transpire
Et je vais profondément
Un bruit à chacun de mes va et vient
J’enlace mes pieds à vos chevilles
Vous mordez ma nuque
Je pousse vos fesses de mes mains
Plus fort pour sentir loin, loin en moi
J’adore être avec vous
Je gicle sous l’ardeur folle de votre main
Il est une fleur noire qui s'agite au cœur du jardin du Luxembourg
Une fleur noire comme une voilure que le vent soulève et garde en secret
J’ai traversé l’espace des fontaines jaillissantes du Louvre, me suis jetée au Pont, dans l’écartement de mes pupilles à chercher vos saveurs
J’ai crevé le ventre des oiseaux qui traversaient les ondes en mirages
Pour faire jaillir extraire le sperme noir de vos cuisses brûlantes
En fleur de peau
Mortes spasmes entre fesses
J’ai couru, la rue des St Pères
La pluie battante collait l’étoffe à mes cuisses
Comme pressions de vos mains à les faire palpiter
Puis j’ai pénétré de rues en rues
Comme on déchire une cartographie des désirs
En perte souffle en perte voix en chevelures de parme en chevelures de musc ondine arrachée aux pointes de vanille qui coule sur mes seins
J’ai pénétré l’espace clos du jardin
Ruisselante l’ardeur des deux amants
J’ai enjambé la fontaine
J’ai plongé au bassin
J’ai creusé l’espace des Lilas
C’était une plainte profonde chaude sincère
Une plainte que vos mots courant sur ma peau ont fait furie en moi
Et j’ai trouvé l’esplanade
Les fleurs rouge sur la tombe des martyrs
Se sont accrochées un instant à mes lèvres
Que j’ai mordues que j’ai mordues
Et puis l’espace s’est ouvert et là devant moi
Vous êtes apparu
Torche de lumière noire pour notre enlacement secret.
Moi :
"- Merci beaucoup, je vais à une projection."
Vous
"- J'aime bien ce qu'il fait, si je peux puis-je vous y rejoindre ?
Mais me reconnaîtrez vous ?"
Plus tard :
"- J'arrête de vous importuner, vous vouliez sûrement lire ? "
Moi :
"- Oui, je vais essayer de lire,
je vous envoie des baisers sages pour l'instant de Bordeaux."
Vous :
" - Je ne suis pas sage généralement.. Je vous envoie des baisers dans le creux de vos fesses et je ne vous dérange plus."
Moi :
"- Dans les eaux étranges du virtuel, avec un cri au creux de mon ventre celui de la sensation complice d'un instant de vous,
si nous arrêtons là,
je garderai ce moment en beauté."
PUCCINI ET LE PUNK
"You ! que je tuerai in white light secret cities, white light secret cities ... que l'auto-meurtre étrangle... Donne toi Girl ! Donne toi !! Aux pulsions de la mort qui me cernent .. Donne toi ! Vive ! Vive incise ! Comme une plaie sexuelle où ma lame comme lame de couteau s'enfonce ! » .
Zona inquinata. MKB Fraction Provisoire. Textes FJ. 1978-80.
Mes synthés turbinnaient pour éloigner l'assaut.
Les histoires de couple ça n’intéresse personne. Chacun incline à s’accorder que « ça va s’arranger tout seul » sur le zonzon de la position.
C’est ce qu’ils pensaient, ceux qui venaient chez nous comme on vient chez Grévin.
Scrutant le lit provincial de 120 cm, où nous dormions collés-serrés, durant toutes ces années. 120 comme « 120 battements » d’un chant si sourd, qu’il n’y a personne aujourd’hui, pour vouloir l’écouter.
C’était les comédiens, les membres de l’équipe qui venaient travailler au projet du «Trésor», quittant un temps leur appartement confortables parisiens, et qui regardaient cet espace, ironiques.
Il y eut même, suite à la présentation de « Morituri » à Cannes, un magazine de décoration en vogue qui, dans le cadre de la promo du film, nous contacta pour venir prendre de l’appart, des photos !
Misère ! Décliner !
FJ n’a jamais voulu donner un lieu de vie, à notre couple. Il n’avait aucun sens d’une signature intérieure décorative. A part ce lit … que les rayonnages de nos livres. Et ce fut quelque chose de les trier, lorsque nous nous séparâmes ! Des piles ! Au milieu de la pièce ! A toi, à moi ! Des bouquins qu’on se reprenait ! Que je subtilisais en douce, quand j’y revenais, avant de regagner la chambre de bonne où j’avais réussi à échouer !
Au mur, des textes, des affiches, un grand fauteuil d’avion en cuir vert, trouvé aux puces à Toulouse, qu’il n’avait jamais réussi à restaurer ! Sa table qui prenait tout la place, un coin de plantes vertes qui s’agrémentait de la lumière d’une terrasse.
A la cuisine, des meubles polonais que ma mère nous avait donnés, pour nous dépanner …et sur le mur, l’affiche de Jarmush, immense, « Stranger in Paradise »,
Ça tapissait.
Alors un photographe là-dedans !
J’aurais beaucoup aimé qu’il immortalise la crasse de la baignoire, quand je suis revenue, un été après, le jour où j’ai voulu faire la connaissance de la personne qui prenait mon relai ! Ça aussi FJ ça lui déplaisait ! Mais pourquoi donc ?! Y plus d’amour sur 120 qui s’enfuient !
Des lignées noires sur l’émail de la baignoire rappelaient le nombre de bains. Des traces au milieu de mes photos, de mes parfums et collages, de mes fringues, toujours restées. Des bavures jusqu’aux notes blanches noires du clavier de mon synthé où elle avait tenté de s’exercer.
Les plis d’une crasse où aujourd’hui encore, l’on tente de m’étouffer.
« -Tais-toi ! »
Mais avant ça, donc, mon coeur donnait des signes, et s’arrêtait de battre.
C’est ainsi que tout a commencé.
Sur ce manque de respiration, cette sensation d’étouffement. Le souffle.
Un jour, notre médecin m’a demandé, d’effectuer un électrocardiogramme.
On entendait peu mon coeur.
Les mesures se sont avérées rassurantes.
Mais, j’ai envisagé alors, de prendre des cours de chant. Ainsi, j’allais travailler ma diction, tenter de me défaire de mon accent, et préparer le rôle de « la jeune coréenne » qui était encore d’actualité.
C’est une amie critique de cinéma que j’avais croisée en festival, à Cannes notamment, qui m’a suggéré sa voisine.
Les cours ont commencé dans le Marais.
Je me précipitais, tous les samedis, les jours où je ne travaillais pas. Je montais l’escalier, rejoindre sa petite chambre exiguë, la table bancale où trônait sa tasse de boissons aux plantes, son pot de miel. J’ouvrais mes premières partitions et les touches de piano s’élevaient.
Muscler ! Travailler la résonance en bouche. Assurer les mouvements du diaphragme.
Peu à peu, en travaillant mes vocalises, je retrouvais le souffle.
Chanter en italien ne représentait aucune difficultés pour moi. J’avais à mon actif, des années de latin.
En russe, j’adorais !
Ma prof était très exigeante. Elle avait suivi les enseignements d’Elisabeth Schwarzkopf. Très rapidement, elle apprécia ma tessiture.
En un an, j’étais prête pour un premier concert privé. Mozart.
Je repartais de chez elle, tout le poids envolé !
A la maison, je m’étais équipée d’un mini orgue à piles, tout petit, pour me donner la note, et travailler chaque jour, une heure, afin d’être prête pour le cours du samedi suivant.
C’est une rigueur qui fut la mienne, de longues années. Mon petit piano me suivait partout.
Mes vocalises exaspéraient FJ, qui se précipitait alors sur la platine, y faire tourner un disque de vinyle !
Rock ! Il s’agissait là aussi, de me « clouer le bec »!
« Folle di gelosia
Vorrei tenerti stratta
Come una cosa mia ! »
« Les voisins aussi ça les exaspéraient » qu’il faisait remarquer ! Mais pas quand il s’agissait de brancher l’ampli pour des essais de sons basse.
« Vorrei non più soffrire |
Che un altro ti tocasse »
Or, plus tard, en habitant l’ile St Louis, j’ai apprécié les vocalises d’une voisine qui montaient dans la cour intérieure de l’immeuble ! Quand je marchais pour me rendre tout près à la bibliothèque Forney, étudier quelques heures, j’adorais, tout en fredonnant, entendre un jeune homme passer tout près de moi, chantonnant à tue-tête ! Il osait !
« Te lo giuro, non tremo
A vibrate il coltello
E con gocce di sangue
Fabbricarti un gioeiello !*
Bien sûr, dans les premiers temps, je n’avais pas le niveau. Mais comment font les voisins d’une gamine qui s’exerce au piano ?
Ces années-là, s’est formée ma culture au lyrique. Je me suis procurée tous les coffrets. Je les amenais jusque dans ma famille, en Asturies, surprise soudain, de ce changement musical.
Tout en travaillant ma philo, j’écoutais, je puisais dans le registre qui montait. Je me préparais pour mes leçons, au conservatoire d’Oviedo, où j’ai été initiée aux techniques du vocal espagnol. J’ai travaillé le maximum de techniques jusqu’à Toulouse, avec une cantatrice de renom.
L’un de mes plus beaux cadeaux fut la réflexion de mon oncle, en séjour ces mois-là, mon oncle cascadeur, amateur du fracas des tôles, qui me fit remarquer que j’avais une jolie voix !
Et dans ces montées en volutes, ce fût l’arrivée triomphale de « Norma ».
Les année Callas. Elle sut glisser sa main dans ma main, invisible, et me tirer vers d’autres sentiers, les bulles d’or de ses contre-ut ! Je retrouvais, en bouche, les fruits des sorbiers oiseleurs ! Le jus merveilleux de mes montagnes! La fraicheur glace pilée des sommets ! L’avant ces années difficiles, où dans mon jeune âge, je restais persuadée qu’on avait, à l’image du couple de mes parents, qu’un seul amour et qu’on devait tout lui sacrifier.
J’étais dans les trémolos du tragique.
« No place for me », c’était pas magique, malgré les apparences, dans cet appartement, où même mon nom n’apparaissait pas sur la boite aux lettres. Il fallait m’écrire « chez …», car GLB était « personne non grata » pour les charmes oh combien ! non discrets de cette chère famille du Cantal !
Aussi, dans les plis des murs, est montée secrète, inattendue, une voix.
Ma respiration en sourdine qui s’installait.
Quand je répétais au quai de la gare avec mon groupe MKB, quelquefois, pendant l’installation des différents instruments, je prenais le micro, je tentais. Je n’avais aucunement l’ambition de déloger notre leader, loin de moi l’idée ! Mais je testais ma voix. FJ me chassait derrière mon clavier. Les autres membres Jack, Olivier s’amusaient, surpris par cette nouveauté : mon chant.
J’aurais été tentée, peut-être, d’illustrer de ma tessiture, une présence dans nos morceaux. Ce que plus tard, les violons ont réussi à faire. Mais comment dans ces paroles tellement sexuellement transgressives et toxiques, glisser le fantôme d’un Chérubin ?
J’y ai renoncé.
Ma voix n’apparaît qu’une seule fois, quelques mots parlés, toujours aussi incompréhensibles et orientés. Fin d’un titre.
J’ai envie d’effacer, cette seule autorisation qui me fut concédée.
Ce n’est pas moi.
FJ, ne travaillait pas. Une fois, son diplôme de l’Idhec en poche, FR3 Rennes, un jour, l’a contacté. Ses parents l’exigeaient, qu’il travaille ! Son père en avait assez de vendre une parcelle de bois, chaque fois que la banque l’appelait pour combler le découvert que son fils lui laissait. Rien à faire. De FR3 Rennes, il est revenu gare Montparnasse, en larmes ! On lui avait demandé de monter un match de foot et ça s’était mal passé !
Fj ! Le foot !
Alors, je lui ai demandé d’arrêter.
Je continuais d’engranger les missions d’intérim sur Neuilly, histoire d’être quand même disponible, j’intervenais dans les boites de pub, de cosmétique, de magazines télé, ce qui me permettait quelquefois au retour, de m’arrêter au Halles, lui acheter un pantalon pour une soirée, ou de lui offrir une petite caméra et des bobines super 8 pour qu’il s’exerce encore à tourner.
Mais voilà, dans le lit « 120 battements », il lui arrivait soudain d’être pris d’un inspiration nocturne ! si bien que mes heures à assurer le lendemain au boulot, il n’en avait rien à cirer.
Et, écrire à cette époque-là, sur une machine à écrire, et toute une nuit, même les boules Quies n’y suffisaient pas.
Alors, je cherchais refuge, une minute ! 120 ! Pour essayer de dormir, dans le coin de la porte, par terre, contre l’entrée.
Alors il se levait, prenait un siège, me regardait en larmes, au sol, épuisée, me plantait son regard ironique et blessant pour cette pauvre salariée. Cigarette.
Au matin, maquillée au fond de teint professionnel, je reprenais, quand même le métro. Mes collègues cependant devinaient, en silence, et de leur silence, ils me réconfortaient.
J’aime beaucoup aujourd’hui encore, ces mots que me glisse une amie :
« - Qu’est-ce qu’on aime écouter ta voix ! » ou
« - Comment tu fais pour monter si haut ! »
C’est là qu’un jour, s’est logée, une amie, mon amie !
Silencieuse quelque part !
Inconnue !
Une amie, née d’un cri !
J'avance, je soulève un tulle puis l'autre, je déambule au fond des couloirs de l'enfance.
Sourdes déclinaisons de notes cristallines tout en cymbales, pour l’enfant en nous, qui cherche jusqu’à épuisement des forces, ces nappes de temps perdu qu'il ne visitera pas.
Je me glisse dans le placard au fond de la chambre, un réduit sombre où elles sont pendues.
Elles dorment sur un long fil qui se perd dans la noirceur du cagibi. Elles agitent leurs volets.
Je sens les textures, la lourdeur des manteaux, leurs poches profondes où je récolte
quelques brins de tabac, des Gitanes. Je m’enfouis dans l’éventail des jupes aux
vifs dessins géométriques, hume leurs senteurs de violette, retrouve une touche de Chamade ou de Coty.
Je retiens ce léger déplacement d’air qui s’enroule aux étoffes et frôle mes joues d’enfant.
J’y retrouve des costumes de fêtes, aux formes excessives vives colorées, gansés d’or, de sequins, cousus de paillettes d’or, qui sentent la sciure de la piste, me renvoient les éclats de rire d’un clown, la fanfare d’une corrida, l’immense cri de la foule ! Olé !
Alors se lève la cape de lumière qui vient s’inscrire comme un volet pour interrompre le flux continu du souvenir.
Le soleil m’écrase, me chauffe, me brûle.
Des mots reviennent en cascades, voix d’hommes de femmes, en langues étrangères, je n’en distingue pas le sens.
Je suis perdue dans le labyrinthe des plis quand m’interpelle le son d’une machine à coudre.
BOB
Poudroiement
LA ROSE. Journal de maquilleuse.
Journal de mon métier de maquilleuse.
Les Roses.
Je suis debout, dans la surface glaciale mais encombrée d’un point de vente, de Strasbourg St Denis.
Glaciale, c’est la découpe des miroirs, le reflets des flacons bien rangés, bien proprets qui brillent sur le carrelage blanc.
Un couple se dirige vers moi.
Dalle noire.
Elle est couverte du voile fondamentaliste, les yeux baissés, petite, collée à la haute stature de l’homme qui s’adresse à moi.
-« Je voudrais un parfum pour elle, pour le mariage. »
Je la regarde, commençant à lui parler, à l’interroger, afin de connaître ses goûts :
« -La rose, la rose pour un mariage ? »
C’est ma première idée.
Elle ne répond, pas, tourne le regard vers l’homme, c’est lui, qui a le pouvoir du choix et de la décision. C’est lui, la parole. Et effectivement, c’est lui qui parle et qui répond :
« -Montrez-moi. »
Je les guide vers ce que nous appelons, le mural.
J’ai ma petit idée, je cherche quelque chose de fin, de délicat, de doux, de rare et de discret pour cette figure si jeune, si fragile ! Je ne sais pourquoi, j’appelle la senteur de la rose. La plus appropriée peut-être, aurait été celle de Stella Mc Cartney ?
La rose anglaise, en splendeur.
Mais aujourd’hui, on me parlerait d’une rose culturellement condamnable.
La rose de l’impérialisme.
Dans ce point de vente, Stella, je ne l’avais pas.
Je commence donc. Je disperse sur mes touches à senteurs, les délicates effluves que je lui propose.
Je tends le premier essai, vers elle.
Elle détourne le regard, c’est lui qui respire.
Il est dubitatif.
Elle attend les yeux baissés, sans voix, sans réaction sur la musique ambiante.
Tiens, là tout d’un coup, ce serait drôle que ce soit Beyoncé, Lady Gaga, The Pretenders ou même Denis, Denis !
Cette attitude me transperce le corps. Il hurle secrètement. Il n’adhère pas.
Il percute les notes rock n’ roll de mon jeune âge de vierge.
Nous continuons. Plusieurs fois. Plusieurs tentatives. Il ne choisit pas. Il n’arrive pas. Il regarde les prix.
J’argumente, je propose, encore, c’est mon métier.
Est-ce aussi la vanille, le musc blanc, l’ylang-ylang, la fleur d’oranger ?
J’attends.
Puis, soudain, son regard est attiré par la dernière création olfactive du moment, pour homme.
Il me demande à la découvrir.
Je la lui fais sentir.
Il prend, il opte. Sans un regard, un avis pour elle, il achète.
Ils sont repartis, sans qu’elle ait prononcé un seul mot.
Sans son parfum, pour son mariage.
Dans ma tête, se levait la poussière des chameaux sous leurs courses sahariennes.
Une piste qui se dessinait ainsi, sur le trottoir de la rue St Denis.
Avec à fond les ballons, les riffs de Heaven, Joy Division, et ceux de Nakamura
qu’il pleuve qu’il pleuve !
« Oh Djadja
Y a pas moyen Djadja
J'suis pas ta catin Djadja, genre en catchana baby tu dead ça
Oh Djadja
Y a pas moyen Djadja
J'suis pas ta catin Djadja, genre en catchana baby tu dead ça »
Illustration.
Photo LCV . Mon ciel du Tarn.
LES POUX
Elle est morte la vieille.
J’ouvre, j’écarte, je cherche au milieu des poils. Les mollets, l’aine, les aisselles, j’épouille. Ils grouillent. « Ça me gratte », qu’il dit. J’épouille. Puis, je le conduis à l’eau des baignoires, l’asperge d’insecticide et ils tombent. Sur le blanc de l’émail. Ses pieds. Interrogent. « J’étouffe, j’ai mal » qu’il dit, son poignet lacéré, grand béant sous le coup du rasoir. Rasoir-couteau. Et ça pue.
L’éther.
Elle est morte la veille.
Is se battent, s’étripent, s’éventrent toxiques, décapitent les bébés. La terre saigne sècheresse, vidée exsangue des eaux de pluie, du flux des fleuves, ils saignent Dieu.
Dieu qu’elle m’a posée un jour . Dieu, sur son plateau chirurgical. Une seringue et un flacon d’éther à coté, sur l’émail blanc.
Dieu. En me puisant le sang.
Aspirant, larmoyante, « c’est pour lui. »
Ce sacrement de croix. « Vous devez accepter ». Dieu.
Matin, avant café, bouche pâteuse. Retenant mon souffle sous l’élastique qui gonflait ma veine. Pour qu’elle puise le secret. La petite femme que j’étais.
Virus s’inquiétait.
Je rabattais la manche sur mon jupon blanc brodé. Des mots comme une sonate.
Moderato Cantabile.
Moderato chante l’enfant sur les mots lourds du pêché.
On gagnait le salon, ensuite.
Il allumait une cigarette et on parlait de positions.
A table. A droite. A gauche …et la grand-mère tout d’un coup, dans le verre, trempait le dentier.
On toréait, on agitait la serviette.
« Remettez ça dans le bec ! »
Dans le bec, aussi, me la mettre. La religiosité.
Et que c’était ?
Que c’était ?
Les yeux clos d’une sainte appelant ton doigt au creux de mon ventre. Les yeux clos que l’écrivain avait couché aux plis de l’érotisme.
Alors, j’ai ouvert le livre. J’ai trouvé le jardin où coule la source de l’aimé qu’on nomme
Au grand vent des terres d’Avila.
Et je revois ce sang qui coule. Castille. Que l’on me donne à boire.
Ce sang qui coule sur mes cuisses qui ont perdu l’enfant.
Sans sacrements, j’errais.
Sur ma tête, il les voulaient, comme une lourdeur.
Papier fin doux aux doigts, papier bible qui s’effeuille de ma langue que je glisse au creux de tes fesses délicates à ouvrir.
Et les feuilles s’agitent et me livrent le texte
Commandent à mon corps de vite fuir ! libre !
« Vous n’aurez pas l’onction de ceux qui s’échappent. »
Des langues agitées. Celles des pénitents rouges peintes sur les murs des églises éteintes.
« Vous n’aurez pas les sacrements » de ceux qui refusent de plier.
L’injonction reine est tombée.
Là-bas, au jardin du pommier, les règles de la faute.
La vieille est morte qui me voulait signée. Nom de…
L’orbe blanche s’est approchée couvrir mon jupon Cantabile.
La noce était dite pour me sauver.
Courir, courir vite !
Me jeter dans ses bras, trouver sous les plaies la douceur, le réconfort de l’aine.
Blanche, drapée.
Calme, donnée pour goûter la paix.
La vieille est morte.
Te rejetant de son ménage, t’écartant de la porte des invités, bric brac le cristal de… bric brac…pour laisser place.
Quand tu te cachais dans les secrets des poutres du plafond, l’été quand le père te cherchait.
« Elle est là ? »
« Non, » tu étais dans la douce senteur des mailles du plafond.
Tu retenais ton souffle, t’attendais… les pas s’éloignent, la voiture démarre.
Le père parti.
Il avait inspecté le bureau de l’étudiant. Le code. Cétait, le juris imposé.
Il n’a pas eu son Droit. Mais il ma percuté le gauche. L’oeil qui un jour a cessé de pleurer.
Les enfants juvéniles jouent des pentes de l’été.
Jouent à s’en faire saigner.
Jusqu’à ce que les pulsations s’épuisent sur la lumière finissante du jour et qu’à l’aube du grand âge.
Tu entres et je glisse mon doigt à ton petit doigt et on recommence à danser.
Je te le dis, la vieille est morte
je n’ai pu prier.
Je l’ai jeté dans la fureur des flammes qu’elle miroite.
Bric brac le cristal !
Qu’elle grille sans mon pardon dans la gorge.
Méchante ! Méchante !
Et je fais voler mon jupon blanc
dans le ciel
Moderato Cantabile
Viens, je suis libérée !
J’épouille sa peau, je verse l’éther dans le blanc de la cuvette des WC.
Les poux retombent sur la plaie de son poignet. Il a cessé de s’ouvrir rouge pour nous appeler à hurler.
Le jour de Thérèse d'Avila.