LUZ
1/ La bulle.
Dans la bave des salives,
sur le fond sonore des orgues qui montent des clameurs du ciel,
en va et vient d’un pas agité
calmer calmer secouer doucement éviter
les roues d’un landau.
Dans la bave de salive
bulle
adorable rondeur de nacre d’une bouche qui vient d’ouvrir
Deux syllabes comme deux notes viennent
Pa
Pa
Juste juste articulées.
Premier mot.
Comme elle est belle !
Je la regarde au creux de la bascule faïence de la pharmacienne
Comme elle est belle !
Combien elle pèse ?!
On se ressemble !
Madame non, vous n’avez pas la même couleur !
Pa
Pa
Sur ses jambes !
Regarde regarde,
Ça y est ! Elle s’élance ! Elle affronte l’équilibre pesanteur !
Regarde ses petits pieds !
Potelés potelés qui s’ancrent !
Viens !
J’ouvre les bras.
Pa
Pa
C’est le premier mot, apaise-toi
Le premier mot que prononce un enfant !
« P » c’est plus facile !
J’aime pas mes pieds !
Je les adore.
Montre !
Je voudrais les mêmes.
J’aime pas mes cheveux !
Non, pas
Je les adore et les trempe dans l’eau des baignoires,
Ton corps étiré dans le bain,
Passe le peigne de crème grasse afin de ne pas les tirer.
Pa
Pa
Pa
Pa
La grande eau où l’on t’a plongée !
La nuit,
Dans les champs des flambeaux qui crevaient
la nuit,
Et la pupille de mon oeil !
Tes paupières closes plonger confiantes dans l’eau, te porter.
Pa
Pa
Je ne voulais pas !
Dans la tulle de mon ventre
Je ne voulais pas te jeter au monde !
Où l’on viole des bébés !
Dans l’innocente fente
La grosse trique te briser !
Je ne voulais pas !
Tes premiers pas dans
L'aspiration
Pa
Pa
Mâle !
Non c’est une fille ! l’a dit l’aiguille amniotique !
Une fille que je roulerai dans toutes les robes d’attendre brodées !
ç’aurait été un garçon, je te l’aurais volé !
Pa
Pa
Non maman
Je n’aime pas celle-là !
Elle ne me va pas !
Cours !
Oh, que tu cours bien !!!!
Alors j’ai déchiré mon ventre, ouvert des pinces qui sont entrées
Crevant l’hymen enfin cette fois
Je n’étais plus niaise
J’avais un ventre qui giclait
de toi
Dans les pinces qui te tiraient !
J’ai déchiré ma robe, j’ai déchiré mon ventre et j’ai poussé, tiré, jusqu’à hurler te regarder
Regardée !
N’oublie pas ma fille, n’oublie pas ma Luz
Comme on s’est regardé !
Épuisée qu’on me recouse, ouverte de la sonde du liquide et des fils qui refermaient.
Sous ta petite cloche là, toute chaude,
Ce que je ne pouvais encore te donner
Mon sein tiède pour t'apaiser !
Venue en ce monde
où les bébés l’on viole !
Je ne voulais pas je ne voulais pas !
Aussi, je t’ai posée, là, Notre Dame !
Pa
Pa
Tu me tends ton jouet téléphone
Pa
Pa
Oui, quoi ma Luz ?
Tiens c’est pour toi, il veut te parler !!!
Qui ?
Pa
Pa
Dis lui !
Quoi ?
Que ma peau de brune épice
De ses caresses a manqué a pleuré !
Que ma peau en brume métisse
De sa chaleur réglisse
De la force à bras
a manqué !
Tu m’as porté haut maman !
Du plus haut où les tiens me hissaient !
Tu m’as porté haut !
Mais des siens
Je suis tombée
Je suis brisée !!
Pa
Pa
Couinent tous les jouets aux becs de canards qui ricanent !
Couinent les jouets mécaniques, grisent en musique !
Pa
Pa
Tralala
Cette petite berceuse sur ta couche dont je remonte la clé !
Mécanique petite berceuse quand je te couche,
Et que je m’endors près de toi comme un bébé.
Mon bébé qui m’accouche et maintenant
dit
J’ai peur, j’ai froid ça crisse mes pas !
Ouvre moi la voie du monde
Maman !
Maman ouvre moi ! qu'elle me terrifie pas !
Pas
peur
Pas
peur
Je suis là
Il ne s'approche pas ce monde
celui qui tue et mange les bébés !